GUSTAVE COURBET (1819-1877)
Homme des éclats et des scandales, « l’enfant du pays » s’impose au milieu du XIXème siècle comme le peintre de la rupture réaliste, foncièrement de son temps. Peintre du paysage, d’une nouvelle sensualité exprimée par des formes « vraies », dessinateur dont la pratique a été récemment réhabilitée ou encore sculpteur occasionnel, Gustave Courbet demeure celui qui brutalise les codes de l’art de son époque, accordant aux scènes du quotidien les dimensions de la peinture d’histoire.
Sa jeunesse à Ornans
Né à Ornans en 1819, Gustave est l’unique fils de Régis Courbet (1798-1882), riche exploitant agricole de Flagey, électeur censitaire, et de Sylvie Oudot (1794-1871), fille de vignerons républicains d’Ornans. Entouré de ses quatre sœurs, il passe son enfance entre la ferme familiale des hauts plateaux de Flagey et Ornans, au cœur de la vallée de la Loue.
Destiné à devenir avocat, le jeune homme s’instruit au petit séminaire de sa ville natale où il suit l’enseignement artistique de Claude-Antoine Beau (1792-1861), puis au collège royal de Besançon, creuset des philosophes utopistes, où il continue sa formation artistique auprès de Charles-Antoine Flajoulot (1774-1840).
Gustave Courbet (1819-1877), Lettre à ses parents, vers 1838, encre sur papier, Musée départemental Gustave Courbet – Inv 1981.1.1.1
© Musée départemental Gustave Courbet, photo Pierre Guenat
Ses premiers pas à Paris
Dès 1839, Gustave Courbet se rend à Paris pour suivre sa vocation de peintre et approfondir sa formation. Comme de nombreux jeunes artistes, il se rend régulièrement au musée du Louvre et au musée du Luxembourg pour admirer les œuvres de maîtres anciens italiens, flamands ou espagnols, et réaliser des copies à l’image du Réveil de saint Jérôme, d’après le Guerchin (vers 1840 ; musée départemental Gustave Courbet, Ornans).
Gustave Courbet, Le Réveil de saint Jérôme, d’après Le Guerchin, vers 1840, huile sur toile, Musée départemental Gustave Courbet , Ornans – Inv 1976.1.7
© Musée départemental Gustave Courbet, photo Pierre Guenat
Les rencontres de M. Courbet
Courbet tisse des relations amicales avec des critiques et des artistes qui participent à l’évolution de son art. A Paris, il se lie avec les intellectuels en vogue de l’époque comme le poète Charles Baudelaire (1821-1867) ou Champfleury (1821-1889). En 1848, à l’occasion des journées révolutionnaires menant à la naissance de la Seconde République, Courbet découvre les idées engagées de Pierre-Joseph Proudhon (1809-1865).
En dehors de la capitale, Courbet fréquente les paysagistes de l’Ecole de Barbizon tels que Camille Corot (1796-1875), Charles-François Daubigny (1817-1878), ou plus tard les nouvelles générations de peintres inscrits dans la modernité, comme James Abbott McNeill Whistler (1834-1903) ou les jeunes impressionnistes Claude Monet (1840-1926) et Frédéric Bazille (1841-1870).
Félix Bracquemond ( 1833-1914), Portrait de Champfleury, frontispice pour Les Amis de la nature, d’après un dessin de Gustave Courbet, 1859, eau-forte, Musée départemental Gustave Courbet – Inv 1976.1.29.1
© Musée départemental Gustave Courbet, photo Pierre Guenat
La reconnaissance publique
Après plusieurs refus, Courbet est admis pour la première fois en 1844 au Salon, exposition annuelle officielle organisée par l’Académie des Beaux-Arts, avec l’Autoportrait au chien noir (vers 1842-1844, Paris, Petit Palais). En 1848, il y présente une dizaine de toiles et l’année suivante, il obtient une médaille avec L’Après-dînée à Ornans (1849, Palais des Beaux-Arts, Lille), lui permettant d’être exempté du jury de sélection. Courbet bénéficie dès lors d’une première reconnaissance publique et artistique.
Arthur Mayeur (1871 – 1934), Une après-dinée à Ornans, d’après Courbet, première moitié du XXème siècle eau-forte et burin, Musée départemental Gustave Courbet – Inv D 1976.1.1, Ornans, dépôt de la Ville d’Ornans
© Musée départemental Gustave Courbet, photo Pierre Guenat
L’homme d’où vient le scandale
Avec Les Casseurs de pierre (œuvre détruite) réalisé en 1849, comme avec l’Enterrement à Ornans (Musée d’Orsay, Paris) exposé en 1850-1851, Courbet rencontre l’incompréhension voire l’hostilité du public et de ses pairs. Choisissant un grand format, habituellement réservé aux sujets religieux, mythologiques ou historiques, pour représenter le quotidien du peuple, il propose une vision novatrice qui bouleverse profondément les codes artistiques.
Emile Vernier (1829 – 1887), Les Casseurs de pierre, d’après Courbet, vers 1860, lithographie, Musée départemental Gustave Courbet – Inv 1976.1.90, Ornans
© Musée départemental Gustave Courbet, photo Pierre Guenat
Courbet, maître du Réalisme
Le mouvement réaliste apparaît au milieu du XIXème siècle, en opposition avec le classicisme et le romantisme. Porté par une nouvelle génération en littérature et dans les arts, ce mouvement prend pour sujet la réalité de l’époque, sans idéalisation et en abordant des thématiques politiques ou sociales. Par son aura et sa stratégie de promotion, Gustave Courbet apparaît rapidement comme le chef de file de cette nouvelle voie. Contrairement aux idées reçues, le réalisme n’est pas une tentative d’imitation du réel. Il s’agit, dans le cas de Courbet, de prendre pour sujet la réalité du monde qui l’entoure. Le peintre souhaite traduire les mœurs, les idées, l’aspect de son époque mais en faisant ressortir sa propre individualité.
« Le pavillon du Réalisme »
Malgré la controverse, Courbet expose régulièrement au Salon. A l’occasion de l’Exposition universelle de 1855, plus d’une dizaine de ses toiles sont acceptées, mais l’Atelier du peintre (entre 1854-1855, Musée d’Orsay, Paris) est refusé à cause de ses dimensions hors normes (3,61 m x 5,98 m). Courbet décide alors d’organiser sa propre exposition personnelle qu’il finance et nomme « Le pavillon du Réalisme », suscitant la controverse.
Toile exposée au sein du Pavillon du Réalisme
Gustave Courbet (1819-1877), Taureau blanc et génisse blonde, vers 1850, huile sur toile, Musée départemental Gustave Courbet – Inv 2002.3.1
© Musée départemental Gustave Courbet, photo Pierre Guenat
Un succès mondial
Dès le début des années 1850, Courbet obtient une reconnaissance mondiale. Il rencontre Alfred Bruyas (1821-1877), un riche collectionneur de Montpellier, qui devient son mécène et lui permet ainsi de peindre de manière prolifique, en toute indépendance. Courbet expose par la suite à Bruxelles, à Berlin et encore à Vienne. Apprécié comme paysagiste, il enrichit sa peinture de nouveaux sujets comme les scènes de chasse, à l’image de l’Hallali du cerf (1867, Musée des Beaux-arts et d’Archéologie, Besançon), et d’importants nus féminins avec, par exemple, Le Sommeil (1866, Petit Palais, Paris).
« Courbet force les portes du Salon avec neuf tableaux. Personne hier ne savait son nom : aujourd’hui il est dans toutes les bouches. Depuis longtemps on n’a vu succès si brusque ».
dans Souvenirs et portraits de jeunesse, Champfleury, 1872, p.173.
L’engagement politique
Si Courbet défend très tôt les idées républicaines, c’est lors des évènements de la Commune de Paris, en 1871, qu’il exprime pleinement son engagement. A la suite de la défaite de 1870 contre la Prusse, les Parisiens décident d’instaurer une Commune libre de Paris, indépendante du gouvernement français. Courbet y est élu conseiller municipal mais également président de la Fédération des artistes, organisation chargée de protéger les monuments et œuvres menacés.
« J’accepte volontiers si vous croyez que je puisse être utile à mon pays. Là j’y manifesterai la logique et l’indépendance complète qui caractérisent ma nature, en défendant la liberté et la démocratie, que je n’ai cessé de pratiquer depuis trente-deux ans devant vous. »
Gustave Courbet aux citoyens de Paris, janvier – février 1871
Séjour en prison
Son implication dans la Commune ainsi que l’accusation infondée d’une participation à la destruction de la colonne Vendôme le mènent en prison en 1871. Malgré les conditions d’emprisonnement, il continue à peindre, notamment des natures mortes comme les Fleurs (1871, Musée départemental Gustave Courbet, Ornans). Après cette première peine, il est de nouveau jugé en 1873 et condamné à payer une amende pour financer la reconstruction de la colonne Vendôme mais ne pouvant l’acquitter, il risque à nouveau d’être emprisonné.
Gustave Courbet (1819-1877), Fleurs, 1871, huile sur bois, Musée départemental Gustave Courbet – Inv D 1921.1.1, Ornans, dépôt de la ville d’Ornans
© Musée départemental Gustave Courbet, photo Pierre Guenat
L’exil et la maladie
En 1873, il choisit l’exil en Suisse où il passe les dernières années de sa vie. Malade et fatigué, il peint de bouleversants paysages pour rembourser ses dettes alors que ses biens sont saisis en France. Il y développe aussi son activité de sculpteur par des œuvres emblématiques comme la Dame à la Mouette (1876, Institut Gustave Courbet, Ornans).
Espérant toujours être amnistié et pouvoir enfin rentrer en France, il s’éteint le 31 décembre 1877 à La-Tour-de-Peilz (Suisse).
Gustave Courbet (1819-1877), Le Château de Chillon, 1874, huile sur toile, Musée départemental Gustave Courbet – Inv D 1976.1.3, Ornans, dépôt de la Ville d’Ornans
© Musée départemental Gustave Courbet, photo Pierre Guenat
Courbet dans le monde
Pendant de nombreuses années, Courbet a pu se consacrer à son art grâce au soutien de plusieurs amateurs d’art français et étrangers, et grâce aux marchands d’art qui ont contribué à diffuser ses œuvres.
Considéré comme précurseur des impressionnistes et père de l’art moderne, grâce à sa liberté artistique et son audace, Gustave Courbet demeure l’un des artistes français les plus reconnus. Ses œuvres sont conservées dans de nombreux musées partout dans le monde.
Les œuvres de Courbet dans le monde (liste non exhaustive)
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Image à la une
Studio de photographie Durand & Cie, Courbet conversant avec lui-même, vers 1863, tirage photographique, Musée départemental Gustave Courbet – Inv 2023.1.8, donation Georges Bully
© Musée départemental Gustave Courbet, photo Aurélia Channaux