Histoire de l’atelier

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Dernier atelier ornanais de Courbet

 

Lieu de vie et de création, cet espace est le dernier atelier de Gustave Courbet à Ornans où il travailla de 1860 à son exil en Suisse en 1873. L’artiste avait lui-même veillé à l’achat et à la transformation en atelier de cette ancienne fonderie d’Ornans. Acquis par le Département du Doubs en 2008, il est inscrit à l’Inventaire supplémentaire des Monuments Historiques. Aujourd’hui restauré, il conserve au plafond le seul décor peint par l’artiste.

 

Le premier atelier à Ornans
Le premier atelier de Gustave Courbet n’est autre que le grenier de la maison de ses grands-parents, place des Iles Basses, devenue aujourd’hui place Courbet. Bien qu’il y peigne l’une de ses plus grandes toiles en 1849, Un Enterrement à Ornans (Paris, musée d’Orsay), cet espace trop étroit, aménagé par son père, ne permet pas à l’artiste d’y travailler à son aise.

« Mon père m’a fait faire un atelier d’une grandeur assez respectable, mais la fenêtre était trop petite et mal placée. Aussitôt j’en ai fait faire une trois fois aussi grande ; maintenant on y voit clair comme à la rue. De plus je l’ai fait peindre en vert-jaune sombre, relevé de rouge sombre. Le plafond qui est très élevé est peint en bleu de ciel jusqu’au quart de la hauteur des murs, cela fait un effet fantastique, et les embrasures des fenêtres sont blanches. »

Lettre de Gustave Courbet du 30 octobre 1849, à Francis et Marie Wey

 

Son atelier « dans la campagne »
En 1858, Courbet se met à la recherche de terrains à Ornans pour construire un atelier « dans la campagne » plus spacieux et lumineux, et fait ainsi l’acquisition de sept parcelles s’étendant jusqu’à la Loue, d’une superficie totale de 57.80 ares. L’année suivante, son ami Léon Isabey (1821-1896), architecte ayant imaginé et conçu le Pavillon du Réalisme du peintre en 1855 à Paris, lui propose les plans d’une maison de campagne et d’un atelier. Tel un hôtel particulier parisien, Isabey imagine un majestueux décor en façade.

 

Léon Isabey (1821-1896), Maison de campagne et atelier de Mr Courbet à Ornans

dans Isabey et Leblan, Villas, maisons de ville et de campagne composées sur les motifs des habitations de Paris moderne, 1864, lithographie, 33 x 47 cm, Ornans, Institut Gustave Courbet

© Ornans, Institut Gustave Courbet

 

Cependant, en inadéquation avec l’ambition de Courbet, ce projet d’inspiration urbaine et onéreuse ne voit pas le jour. Le 6 mars 1860, l’artiste se porte alors acquéreur de l’ancienne fonderie Bastide pour la somme de 5 000 francs, portant son terrain à 28 ares supplémentaires. Après des travaux d’aménagements intérieurs, il y installe son atelier pourvu d’une grande hauteur sous plafond et d’une large verrière orientée nord.

Anonyme, Vue de l’atelier de Gustave Courbet côté jardin, s.d., reproduction d’après plaque de verre stéréoscopique

© Ornans, Institut Gustave Courbet

 

Un atelier à soi
Courbet façonne l’espace à son image, aussi bien à l’extérieur par la plantation « de[s] bouquets d’arbres de toutes essences pour [s]a peinture », qu’à l’intérieur par la réalisation de peintures murales au plafond et la présence d’une collection d’objets hétéroclites. Ainsi, mobiliers, armes, vaisselle, animaux naturalisés ou encore mannequin d’étude se côtoient dans son atelier. Offrant les conditions idéales à sa pratique, ce vaste lieu devient le théâtre de la création d’une série impressionnante de paysages recherchés par les amateurs, mais aussi d’œuvres à destination des Salons, telles que Vénus poursuivant Psyché de sa jalousie (1864), scène de nus refusée pour immoralité, ou encore son dernier format monumental L’Hallali du cerf (musée des Beaux-Arts et d’Archéologie, Besançon). Egalement espace de réception, l’artiste y reçoit ses amis ornanais et parisiens, accueille les critiques d’art et collectionneurs, dans sa villa attenante ou le chalet construit dans son jardin.

 Etienne Carjat (1828-1906), Gustave Courbet peignant L’Hallali du cerf, 1867, photographie, Paris, Petit Palais, musée des Beaux-Arts de la ville de Paris – Inv. PPPH00701

© Paris Musées, Musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris

 

Histoire et vie de l’atelier Courbet
En février 1871, alors que Courbet séjourne à Paris et devient un membre actif de la Commune, l’armée prussienne arrive à Ornans et vandalise son atelier. La fin de l’année s’achève pour l’artiste par sept mois de détention dans différentes prisons parisiennes. Libéré en mai, il revient à Ornans afin de réintégrer son espace de création. Mais, condamné en janvier 1873 à payer la reconstruction de la colonne Vendôme, il prend le chemin de l’exil en Suisse le 20 juillet. Malgré cela, l’atelier reste au cœur de ses préoccupations. « Ce qui me contrarie, c’est mon atelier » (lettre adressée à Cherubino Pata, le 26 février 1873) car ce lieu demeure le fondement de sa pratique artistique.

 

« […] si l’on s’obstine à me faire payer cette réclamation inique, il faut au moins, c’est ce que je réclame au pis aller, que je conserve mon atelier d’Ornans à tout prix […]. Je ne pourrais jamais en faire reconstruire un autre, c’est trop cher et trop difficile. S’ils poursuivent en attaquant l’hypothèque, je crois que je renoncerai à la peinture. »

Lettre adressée à Castagnary, le 3 avril 1876

 

A la mort de Courbet le 31 décembre 1877, sa sœur Juliette devient sa légataire universelle conformément au souhait émis par le peintre dans son testament et hérite, entre autres, de l’atelier de son frère. Souhaitant faire de ce lieu un endroit où la présence de Courbet et de son œuvre reste prégnante, elle songe très vite à l’agrandir en 1903-1904 par la création d’une aile de 100 m2 permettant d’y exposer de nombreuses œuvres, admirées par les amateurs et amis de l’artiste, dans ce lieu empreint de sa mémoire.

 

Intérieur de l’atelier Courbet à Ornans, au temps de Juliette Courbet, vers 1900, photographie, Musée départemental Gustave Courbet – Inv 1976.1.85.4

© Musée départemental Gustave Courbet, photo Pierre Guenat

A la mort de Juliette le 14 mars 1915, Félicie Lapierre hérite de la propriété, alors vendue en deux lots : le premier comprenant la Villa et le jardin est cédé le 27 décembre 1918 à Joseph Marguier ; le second contenant le chalet est acheté le 12 octobre 1932 par Casimir Marguier, négociant en vins. Et ce sont à leurs descendants que le Département du Doubs achète le dernier atelier de Courbet en 2008.

 

Un décor peint par la main de Courbet
Des peintures de paysage saisissantes de la main de Courbet, aujourd’hui restaurées, sont visibles dans l’atelier sur les retombées de plafonds – œuvres murales dont il atteste la présence dans l’inventaire qu’il dresse à son père lors du saccage de son atelier par l’armée prussienne en 1871. Ces deux vastes panoramas – La Vue de l’Escaut et La Seine près de Bougival – sont des paysages paradoxalement lointains de sa ville natale mais qu’il connaissait intimement pour y avoir séjourné à plusieurs reprises.
Un ciel parsemé d’hirondelles décore le plafond. Ces motifs sont repris par Juliette dans son extension, poursuivant ainsi l’esprit du décor que son frère avait réalisé dans son propre atelier. En effet, elle commande la décoration du plafond à l’entrepreneur local C. Berrier : une « peinture à l’huile et décorations, ciel et petits oiseaux ».

© Département du Doubs, Jack Varlet

 

Une restauration de longue haleine
Aujourd’hui, ce lieu chargé d’histoire, connaît sa renaissance grâce à une vaste de campagne de restauration initiée par le Département du Doubs.
Menés par l’agence d’architecture Giulio Balduini, avec l’appui de l’architecte en chef des monuments historiques, ces travaux, nécessaires pour protéger ce décor unique et retrouver les volumes d’origine de ce lieu exceptionnel, se sont déroulés sur plusieurs années. L’atelier est remarquable par la préservation des verrières anciennes d’où l’on peut observer le monogramme du peintre, mais aussi par la restauration importante menée sur les peintures du plafond. Des restaurateurs ont dû s’employer à consolider, nettoyer et retoucher certaines zones particulièrement fragilisées par les occupants qui se sont succédés dans cette bâtisse (notamment le négociant en vin stockant sa réserve dans le grenier au-dessus des peintures murales). Ayant retrouvé son éclat, ce décor peint est mis en valeur par la juxtaposition avec ces murs, d’un rouge intense, teinte choisie d’après les sondages réalisés sur les murs.

 

Vue générale du chantier, Atelier Courbet, 2021, photographie, Atelier Marc Philippe

© Atelier Marc Philippe

 

L’atelier Courbet est désormais ouvert au public.

© Musée départemental Gustave Courbet, photo Aurélia Channaux